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Lilie Bagage  

DMV#16 : Du livre et des jeux

*chasse les gros moutons de poussière du blog en soufflant dessus* kof, kof…

J’vais pas vous mentir, ce blog est davantage devenu un site d’infos (autour de mes futures publications) qu’un lieu où je poste régulièrement. (eeeet je pense que vous vous en êtes tous et toutes rendues compte !!!)

Je profite d’une « pause » (relative, la pause : je suis en train de bêta-lire 2 romans en parallèle ET de préparer le premier jet d’un tome 2 de jeunesse ET de réfléchir à un prochain roman de fantasy… #touvabi1 #moncervoestsurbooké) pour écrire une petite bafouille sur les livres-jeux, et plus particulièrement les livres sont vous êtes le héros/l’héroïne (LDVELH).

Ça fait plusieurs années maintenant que je voulais écrire ce billet, tout comme ça fait plusieurs années que je voulais construire un LDVELH, de A à Z, qui « marche ». Si je reviens 10 ans en arrière, je crois que la complexité de la tâche m’effrayait. Peut-être aussi que je ne me sentais pas assez à l’aise sur la construction littéraire pour me rajouter le poids de la construction ludique sur les épaules, parce qu’un livre-jeu, comme son nom l’indique, c’est pas simplement un « livre ». C’est aussi (et surtout ?) un jeu, et cela implique de le penser comme tel.

Mais du coup… Ça y est, je peux secouer les bras bien haut et crier HOURRA ! Parce que j’ai enfin réussi à concrétiser ce rêve. Enfin, j’ai réussi à bâtir un véritable LDVELH, et je ne parle pas que de quelques paragraphes amusants avec des liens entre eux. Non là, c’est un roman de presque 400 000 signes, qui (j’espère) se tient (mes bêta-testeurs semblent plutôt positifs pour le moment !!), et surtout, qui « se joue ». J’ai transpiré, mais j’ai réussi 🙂 (ce qui me donne envie d’en écrire plein d’autres là tout de suite maintenant, mais c’est un autre sujet….)

Petit (tout petit) aperçu de mon fichier d’embranchements pour mon LDVELH… (vous comprenez pourquoi j’ai transpiré ? :D)

Et comme, à travers les années, j’ai tout de même accumulé des sources, des « tips » et des schémas sur la construction des livres-jeux, ce billet est justement l’occasion de les rassembler, et de vous les partager.

Notez que tout ce qui sera écrit ci-dessous ne repose que sur ma propre expérience (bien minuscule). Il y aura probablement des « tips » dans cette liste qui ne seront pas pour vous, parce que vous ne fonctionnez pas comme moi en matière créative. Alors si vous voulez vous lancer dans la création d’un LDVELH, faites votre marché !

Par où on commence ?

Par lire, lire, et encore lire. Ce conseil me semble valable quand on veut se mettre à écrire, peu importe ce qu’on veut écrire.
Ce n’est pas différent pour les LDVELH. Se documenter sur le sujet me parait important. Regardez à quoi ressemblent les autres livres-jeux. Quels choix sont faits en matière de style, de narration. Ne lisez pas seulement des productions anciennes ; regardez ce qui est fait aujourd’hui, dans les livres-jeux pour la jeunesse.
Lisez… et jouez ! Avec un LDVELH, on est à la frontière entre la littérature et le jeu, alors il va bien falloir expérimenter, tester. Notez ce qui vous parait intéressant dans les visual novels, dans les jeux vidéo, en terme de construction et de mécanismes. Ce que vous voudriez réutiliser ou, au contraire, éviter, dans votre propre histoire-jeu. On apprend beaucoup en étudiant ce qu’ont fait et ce que font les autres.

Une autre époque… Les Défis Fantastiques

Vous pouvez aussi lire de la théorie sur la construction littéraire, mais aussi la construction ludique. Le site Fiction-interactives.fr propose à la fois des FI à télécharger, mais aussi des articles de fond sur la construction d’une fiction interactive (pour l’aspect programmation, on s’éloigne de la littérature, mais vous verrez plus loin qu’on peut utiliser des outils « papier » pour tout de même proposer un début de « programmation » au lectorat).

Les outils de construction d’un LDVELH

Comme pour toute fiction, vous allez devoir penser à un début, un milieu et une fin.
Mais dans un livre-jeu, s’il y a le plus souvent un seul début, vous…

  • aurez forcément plusieurs « milieux », avec plusieurs choix et donc plusieurs chemins
  • pourriez même proposer une ou plusieurs fins

Conseil n°1 : autorisez vous à planifier

Il est à mon avis difficile d’arriver au bout de l’écriture un livre-jeu sans planifier par où l’on veut faire passer son ou ses protagonistes. Sans un minimum de préparation, vous vous exposez probablement à deux écueils :

  • un livre-jeu qui manque de complexité, avec peu de choix au final, et des chemins sans grande surprise ;
  • ou au contraire, beaucoup de choix incohérents, des « trous » dans certains chemins, des embranchements manquants et des problèmes de logique.

Je sais que la planification peut être difficile pour certains créateurs, parce qu’on peut avoir l’impression de ne plus rien découvrir de l’histoire qu’on veut raconter. Mais pour les LDVELH, je pense hélas que ne rien planifier du tout peut vous mettre en grande difficulté et, à terme, brider la liberté potentielle qu’on est censés offrir au lectorat de ce genre.

Vous n’êtes pas obligés de prévoir « tous » les choix et « tous » les embranchements. Mais les choix déterminants, qui feront dévier l’histoire et prendre un chemin différent, ceux-là sont intéressants à prévoir dès le départ.

Conseil n° 2 : mixez les types de choix

La grande force d’un LDVELH, c’est de proposer du choix. Ces livres n’enferment pas le lectorat dans une histoire « choisie » par l’auteur, ils proposent plusieurs histoires en une.
Or les choix peuvent prendre des formes différentes. Pour plus de facilité, je les range souvent en deux grandes catégories : les choix déterminants, ceux qui vont faire prendre un autre « chemin », et les choix « non déterminants » (ou cosmétiques).

Il y a des sous-catégories à ces types de choix, que détaille merveilleusement bien l’article suivant : « Make good choices : A guide to decisions in videogames » et dont vous trouverez une traduction libre ici.

En écrivant un LDVELH, vous vous rendrez vite compte que vous ne pourrez pas vous permettre de ne proposer QUE des choix de vie ou de mort (le choix cornélien, sans retour en arrière possible), car vous auriez alors à gérer une quantité impossible de chemins nouveaux ; mais vous ne pourrez pas non plus vous cantonner QU’à des choix cosmétiques (ex: vous permettez au joueur de choisir entre les escarpins bleus ou rouges, choix qui ne change rien à la suite de l’histoire), ou pire, à des non-choix (ex : vous proposez de choisir entre une hache des Enfers, une épée des Immortels ou un fouet Démoniaque, mais au final, le joueur ne pourra en réalité repartir qu’avec l’épée), car dans ce cas là, adieu à la tension que pourrait amener un vrai dilemme.

L’intérêt est donc dans le mélange 🙂 Variez les plaisirs, utilisez différents types de choix afin de surprendre vos lecteurs-joueurs, augmenter leur immersion, maximiser leur amusement ! L’objectif, c’est qu’il ne sache pas ce qui se passera dans le paragraphe d’après (ou du moins, pas « tout le temps », car il peut aussi être intéressant pour un lecteur de faire un choix « en conscience » et d’être ainsi récompensé pour son anticipation, tout est une question de dosage et aussi de l’histoire que vous souhaitez raconter)

Conseil n° 3 : piochez dans les idées suivantes

Je vais rassembler ici, sous forme de liste, des idées de construction ludique que j’ai utilisées et/ou rencontrées dans mes lectures. Encore une fois, rien n’est obligatoire dans ce que je présente. Cette liste est simplement là pour vous inspirer (et d’ailleurs, si vous avez d’autres exemples sous le coude, n’hésitez pas à en parler en commentaire, je viendrai compléter la liste) :

  • Et si votre protagoniste avait des « caractéristiques » ou des « pouvoirs » spéciaux ? Et si vous laissiez le choix à votre lecteur de choisir parmi une liste de caractéristiques ou de pouvoirs pour bâtir son propre profil de héros ?
    Ces caractéristiques ou ces pouvoirs, ensuite, pourront être utilisées dans des scènes, donner accès à des choix différents ou supplémentaires, et à des nouveaux chemins.
    Ex : vous avez choisi la capacité « Bagou » pour votre personnage, qui pourra alors convaincre facilement n’importe qui dans une scène, et obtenir des choix de dialogue supplémentaire.
  • Et si votre lectorat devait obligatoirement opter pour un « handicap » pour chaque « avantage » qu’il a choisi ?
  • Et si vous mettiez un inventaire à disposition, pour que des objets puissent être conservés d’une scène à l’autre, et puissent être réutilisés si besoin ? (pour accéder à de nouveaux chemins, par exemple)
  • Et si vous prévoyiez une table de hasard, ou l’usage de dés, pour introduire de l’aléatoire dans votre livre-jeu ?
  • Et si une capacité (prévue dès le départ, non choisie par le lectorat) permettait de « lire », à certains moments spéciaux de l’histoire, un paragraphe situé X pages avant/après ?
  • Et si certains choix vous faisaient gagner/perdre des points dans une jauge, et que leur compte débloquait certaines fins et en fermait d’autres ? (tout comme l’inventaire, cette astuce permet une forme de « programmation », même sur un support papier)
    Ex : on peut imaginer des points d’alignement (encore une référence aux jeux de rôle) pour tel ou tel groupe social ; ces points d’alignement pourront avoir une influence sur les chemins qu’empruntera le lectorat
  • Etc.

Conseil n° 4 : tournez vous vers des logiciels adaptés

En ce qui me concerne, côté écriture, je suis attachée à mon Scrivener et à mon Word. Le premier, pour le découpage en scène par scène qu’il permet (et qui m’a bien aidé pour mon livre-jeu, mine de rien), le second, pour ses options de mise en page soignée et de finalisation.

Mais aujourd’hui, ces deux là ne sont pas forcément les plus adaptés afin de visualiser ou de bâtir un LDVELH. Ces dernières années ont vu fleurir plusieurs logiciels dédiés à la fiction interactive et qui, à mon sens, trouvent leur utilité au début et à la fin de la construction d’un LDVELH. J’ai pour ma part expérimenté Twine, mais je sais qu’il en existe d’autres, comme Inform 7 ou Ink.

Concernant mon projet, j’ai donc fait appel à Twine à deux étapes clés :

  • Au début, dans l’étape de planification, pour la création du « squelette » et la vérification des différents embranchements, chemins. Avec l’utilisation des [[liens]] (la fonctionnalité la plus basique de Twine), j’ai créé un synopsis à embranchements, qui me permettait de visualiser les choix déterminants et les multiples chemins qu’ils généraient. Cette étape m’a permis de m’assurer, avant même de débuter l’étape d’écriture, que mon système de jeu était viable, que toutes mes fins étaient connectées, que les impasses étaient logiques, etc.
  • A la fin, après l’écriture du premier jet, afin de vérifier que toutes les scènes étaient bien connectées les unes aux autres, et de permettre un bêta-testing du LDVELH sous une forme confortable (avec liens hypertexte).

A noter que je n’aurais pas pu écrire l’intégralité du roman à l’intérieur même d’un de ces logiciels. Je pense que, même si des options de mise en forme sont présentes, ces logiciels sont avant tout prévu pour proposer des fonctionnalités de programmation, et non des fonctionnalités purement littéraires. Pour ces dernières, un logiciel de traitement de texte me semble bien mieux faire le job.

Sources

(mise à jour : juillet 2021)

Vous n’y échapperez pas ! Parce que 1) j’adore écrire des bibliographies et 2) le 1) est un mensonge, mais il est primordial de rendre à Jules ce qui appartient à César.

Je suis preneuse de toutes les autres sources que vous avez en stock sur le sujet. Les LDVELH et, plus largement, la construction ludique, est un sujet qui me passionne et sur lequel je suis toujours curieuse de découvrir :

Sites internet et communautés

À lire, écouter, voir…

Aujourd’hui, on assiste à un retour encourageant des livres-jeux (et des LDVELH) dans le paysage littéraire français. J’espère que ce billet vous aura donné envie de vous jeter à l’eau et d’écrire vous aussi vos propres livres-jeux 🙂

Retrouve-moi sur :

6 thoughts on “DMV#16 : Du livre et des jeux

  1. Moiki

    Sympa comme article !
    Je trouve aussi tes tips très pertinents, excepté peut être « introduire de l’aléatoire dans votre livre-jeu » car cela ne peut à mon sens que créer de la frustration pour le lecteur (après s’il s’agit d’un livre papier, on peut toujours tricher ^^).

    Je me permet de venir faire un peu d’auto-promo pour ma plateforme permettant d’écrire des mini fictions interactive, parce que ben… pourquoi pas ? 🙂
    Il s’agit d’une appli web (qui ne nécessite pas d’installation donc) et qui ne requiert aucune compétence technique particulière (contrairement au système de liens de Twine).
    Parmi le peu (trop peu) de retours que j’ai pu soutirer à droite et à gauche il en ressort que c’est simple et intuitif… Mais je ne suis pas hyper bien placé pour le dire moi-même.

    La plateforme est toute jeune et gratuite. Et bien que ça soit une sorte de beta, c’est déjà super fonctionnel. Il y a pour le moment sept mini fictions dont 2 adaptées pour les enfants. Les autres sont… heu… parfois un peu crados, parfois un peu vulgaires, mais souvent remplies d’humour !

    Si cela à réussi à attiser votre curiosité, venez donc faire un tour et n’hésitez pas à me faire des retours, c’est avant tout une plateforme dédiée à la FI, et je m’avance sûrement un peu trop mais je pense que ça donne un bon coup de fraicheur par rapport aux autres outils que j’ai pu tester (twine, celestory, inkle, texture, …)

    Ça se passe donc par ici : —> https//moiki.fr

    Voili voilou… Et merci !

    (@Lilie : si tu trouves ça abusé que je vienne poster ça par ici, supprime ce message… mais j’espère avoir titillé un poil ta curiosité !)

    1. Lilie Bagage

      Oh non tu as bien fait de poster ! J’ai même conseillé ta plateforme à l’une de mes connaissances 🙂
      Pour l’aléatoire, c’est quelque chose qui se rencontrait beaucoup dans les anciens LDVELH, je me sentais obligée de citer ce procédé 😀 Même si, avec l’évolution des jeux aujourd’hui et le fait qu’on laisse de plus en plus la place au contrôle par le joueur, je pense en effet que son utilisation aurait moins la côte…. a fortiori dans de véritables fictions interactives (où tu ne peux pas tricher du tout… ce que l’on fait systématiquement avec un livre papier :D)
      Merci d’être passé par ici 🙂 !!

      1. Moiki

        Merci à toi 🙂

  2. Julien Noël

    Chouette billet ! 👍 Je me reconnais bien dans quelques points : le plan d’intrigue à la base, pour s’assurer qu’il n’y ait pas de sous-développement en cul-de-sac, et le plan de tous les segments à la fin pour vérifier les transitions. C’est quelque chose que je fais aussi (mais tout sur papier : je trouve Twine visuellement très satisfaisant, mais j’ai quand même l’impression que le passage par un logiciel me fait perdre du temps). Personnellement, j’écris des livres-jeux sans aléatoire, mais avec un inventaire. L’idée des jauges est très tentante, mais difficile à mettre en place via une interface minimaliste (je publie en ePub, ce qui exclut malheureusement d’avoir une fiche de personnage complétable). En ce qui me concerne, je crois que mon prochain challenge sera d’écrire une aventure avec deux personnages jouables. 🙂

    1. Lilie Bagage

      Merci pour ce retour de pratiques !! 🙂 Il est vrai que je n’ai pas abordé les différents formats existants. J’imagine que pour les fictions interactives, le format le plus courant pour la publication reste le HTM. L’ePub me semble avoir quelques limitations en terme de création.
      Pour les aventures avec 2 persos jouables, défi passionnant !! Est-ce que tu as déjà testé la collection des « Double jeu » ? (lointain souvenir pour moi, mais je crois que ces LDVELH étaient justement prévu pour être joués à 2 !)

      1. Julien Noël

        En effet, il faut admettre que l’ePub est limité. Il a néanmoins ma préférence car je reste attaché au format livre (personnellement, je n’ai ni une grande culture vidéoludique, ni une grande culture des LDVELH ; j’ai joué à quelques Défis fantastiques quand j’étais ado, cependant mon univers de référence demeure la littérature traditionnelle) mais ne veux pas pour autant renoncer à l’opportunité que représentent les hyperliens. C’est donc à mes yeux le meilleur compromis entre l’ergonomie et l’héritage dans lequel je souhaite m’insérer. (Du reste, il est plus facile de commercialiser un ebook qu’une page HTML, ce qui, mine de rien, est important aussi. 😆)

        Je connais le principe des Double jeu, mais je n’en possède pas et ne l’ai donc jamais testé. À ce stade, je réfléchis plutôt à une manière de faire jouer tour à tour deux personnages distincts par un même joueur. J’ai en tête quelque chose dans l’esprit du jeu vidéo Donkey Kong Country : deux personnages aux capacités distinctes évoluent simultanément dans une même aventure, l’un étant actif et l’autre passif (il suit simplement le premier) ; lorsque le perso actif souffre d’une incapacité, l’autre prend la main (et vu que leurs capacités sont différentes, des options s’ouvrent ou non selon qui est à chaque moment du parcours le personnage actif). Je n’en suis encore qu’au stade des premières réflexions, mais ce principe me semble a priori adaptable aux LDVELH…

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